Mars 12
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Les fous de Saint Gilles
évocation du Pèlerinage de Saint Gilles du Gard
Faut être fou pour marcher pendant trois semaines sur les Chemins de Saint Gilles,
en partant de Souvigny, pour se rendre à Saint Gilles du Gard, par petites étapes
de 20 à à 30 km par jour, au milieu de trente quatre pélerins de tous âges, de 17 à
60 ans, avec beaucoup d'idées en tête, dont certaines étaient très éloignées de
l'état d'esprit d'un pélerin dans les pas de ceux qui tracèrent au XII et XIII ème siècle
les grandes routes de Compostelle.
Au départ, un coup de dés, l'invitation de " mon Maître ", à l'appel duquel j'étais trop heureux
de répondre, en me disant que les désagréments du chemin ne pèseraient pas lourds
devant le privilège d'une conversation quotidienne avec le très vénéré Professeur.
Je ne surestimai pas la hauteur de nos conversations; je me trompai beaucoup
sur la sagesse collective et l'esprit pélerin; mais si nous dûmes parfois souffrir
de la " promiscuité contraignante ", nous fîmes de notre mieux avec les pierres du chemin
et je remportai dix mille fois plus que les peines endurées: mais ce petit
trésor, je n'en fus conscient que bien plus tard... .
Et quel trésor ! le privilège de la marche et de son rythme lent et régulier à l'écart des cités,
l'effort gratifiant du geste prolongé et de la forme physique qu'elle laisse,
la découverte d'une des plus belles parties du territoire français, la traversée inoubliable
des villages et la découverte des églises romanes de Brioude, d'Issoire, de la Chaise-Dieu,
de Saint Guilhem le Désert, et de tant d'autres merveilles, l'apprentissage du chant choral
médiéval, l'écoute d'une flûte traversière, la découverte des fromages dont le Saint Nectaire,
le bonheur simple d'un goûter, d'une douche, d'une veillée, d'une nuit à peu près complète,
la rencontre des habitants pour lesquels nous étions des messagers afin de porter
au Tombeau de Saint Gilles les prières confiées, l'amitié de René Kappler, les inoubliables récits
de Jean, la prière et le chant, l'immensité du monde sous le pied ferme, la ferveur
de certaines rencontres, l'exaltation de vivre sans livre et sans autre projet que la route
et le souci du repas à préparer à l'étape, les petits exploits que nous fîmes
parce que nous étions malgré tout, un être-ensemble, le chant du matin avant le départ
" à la gloire de Saint Gilles ", les inattendus, les bêtises et cette
grande variété de paysages qui vous accompagne, la fatigue et l'émerveillement,
tout devient manne pour qui sait accueillir ce que la route lui donne !
Et puis la surprise de l'arrivée, avec l'Evêque, les prêtres, la foule nombreuse
venue accueillir les pélerins et le lendemain la course des taureaux dans les rues,
cette autre folie qui accueillait la nôtre !
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