Août 12
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Ici bas et Ici Haut : apologie de la micro-relation
la présence est un langage
Il y a notre sphère de relations habituelles, sociales, professionnelles, amicales,
celles-là, c'est entendu,nous y prenons soin;
ou, bien nous les laissons à l'abandon, comme mauvaises herbes dans le blé.
Mais il est aussi beaucoup d'autres choses dans la relation, particulièrement
chez ceux avec qui nous n'avons pas de relations directes, mais seulement
ponctuelles, occasionnelles, ou plus rares, voire uniques...
Aucun code moral ne prescrit l'attitude que je dois avoir vis à vis de l'enfant,
de la maman qui promène son bébé, de l'hôtesse de caisse d'un supermarché,
de l'employé(e) au péage routier, du jardinier, du concierge, du vendeur de journaux,
du garagiste ou de l'employé d'un garage, d'un plombier, d'une secrétaire,
d'une infirmière, d'une femme de ménage, de la vendeuse, du représentant de commerce,
du chauffeur de taxi ou de l'ambulancier, de l'homme de police , du fleuriste, du garçon d'hôtel
ou de restaurant, du cordonnier, de la barmaid, du stewart ou de l'hôtesse
et de tous ceux que hasard et voyage nous font rencontrer...
Oui, il est un autre langage disponible, peu usité, peu connu peut-être dans
nos contrées, un langage plus essentiel, qui tient de la salutation et du lien
fondamental, un entre-nous plus important que nos conditions et mentalités,
et qui permet aux hommes de se reconnaître et de s'inscrire dans une
tradition cordiale, humaine, essentielle et transubstantielle :
notre attitude et notre présence fournissent en permanence la banque mondiale
des signes et des signaux. Nous y puisons sans discontinuer, alors,
pourquoi inventerions-nous une caste nouvelle d'intouchables
qui ne mériterait pas notre bonjour, notre signe, notre sourire
et quand la circonstance est éloquente, notre gentillesse, ou
notre compassion pour emprunter un mot très prisé des bouddhistes ?
C'est à propos de la devise " liberté, égalité, fraternité, justice " que le
philosophe contemporain - et non des moindres - Jean-Luc Nancy dans le
Prologue de son livre " L'Adoration ", écrit ceci :
" Au reste, la socialité, entendue comme ordre propre de l'association
et de l'équilibrage des intérêts, compétences et conflits, est elle-même
seconde par rapport à une donnée résolument première, qui est
l'existence en commun. Le commun n'associe ni ne dissocie, il ne rassemble ni ne sépare,
il n'est ni substance ni sujet. Le commun, c'est ce que nous sommes - ce terme
pris dans sa pleine teneur ontologique - dans le renvoi des uns aux autres ( ici encore
laissons les autres existants ). L'élément de ce renvoi est la langage.
Celui-ci nous adresse les uns aux autres et nous adresse tous ensemble à ce qui fait surgir:
l'infini d'un sens que nulle signification ne remplit, et qui, cette fois disons le, enveloppe
avec les hommes la totalité des existants. .../...
" Le sens du monde n'est rien de garanti, ni de perdu d'avance: il se joue
tout entier dans le commun renvoi qui nous est en quelque sorte proposé.
.../...
" Il se joue en ce que les existants - les parlants et les autres - y font
circuler la possibilité d'une ouverture, d'une respiration, d'une adresse
qui est proprement l'être-monde du monde. "
( Prologue, p12, Jean-Luc Nancy )
( Edition Galilée; L'Adoration, Déconstruction du christianisme -2 - )
Ici bas etIci Haut: apologie de la micro-relation
Comme il est essentiel de relever l'importance de la relation que toutes et tous nous entretenons avec les êtres qui nous entourent ou que nous croisons sans cesse! Relation même inconsciente, même réduite au minimum!
Je lis dans ce texte fraternel et égalitaire le souci, l'attention, la vigilance que Pierre Van der Weyden porte aux "autres", de manière concrète et journalière.
Pour ceux qui utilisent en plein le langage, parlé ou écrit, comme pour ceux qui sont peu instruits des mots et de leur contenu, ce qu'écrit et décrit P. V. der Weyden s'impose avec évidence. Créer un courant relationnel entre les gens, quels que soient leur statut ou leur condition ou leur métier, voilà qui devrait interpeller tout acteur de la vie, l'amener à revenir à l'essence de la personne.
Reconsidérer au fin fond de soi l'utilité, la nécessité même de chaque individu:... ce travail de réflexion basé sur une plus juste fraternité peut se révéler une tâche difficile! Et pourtant là se trouve peut-être un des remèdes aux inégalités, aux différences qui ne cessent de s'entre-choquer, en provoquant toutes sortes de divisions et de dérives.
Emma D'Hautbois, poétesse
Emma D'Hautbois | Le Dimanche 30/09/2012 à 18:25 | | Répondre