Version imprimable Le Docteur B., un type de médecin en voie de disparition

hommage à mon médecin traitant, mille fois cosigné !

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 Généraliste, le Dr. B. exerce depuis plus de trente ans : la soixantaine, il travaille une douzaine d'heures par jour en moyenne, passe entre trente et soixante minutes avec chacun de ses patients, qui patientent longtemps pour le voir, de deux à quatre heures et plus... La salle d'attente ne désemplit pas. Hors sa famille chérie, je ne lui connais que trois loisirs: son tracteur, une vielle maison familiale qu'il retape depuis quarante ans et les armes à feu.
La première fois que je le vis, il me parla longuement de Frédéric II de Hohenstauffen, une lueur de passion dans les yeux. Il m'ausculta néanmoins et m'expédia pour trois années de cure à Châtel - Guyon où je m'ennuyais beaucoup à boire trois semaines durant les Eaux thermales guérisseuses. La seconde fois, il m'intimida beaucoup avec sa connaissance d' Hérodote et de la Grèce ancienne; la troisième fois, me parla longtemps de Herrade de Landsberg et du Mont Saint-Odile qu'il fréquentait beaucoup. Chaque consultation commençait par une sorte d'épopée verbale et se terminait par une auscultation complète, avec stéthoscope, tension artérielle, passage obligé à la balance - souvent déréglée - . Puis, ordonnance souvent accompagnée de leçons morales variées . 
Ainsi avec tous ses patients, lettrés ou paysans, parlant seulement le dialecte alsacien ou gens de l'"intérieur", artistes ou étudiants, mères , enfants, personnes âgées, gens de passage, gens de voyage, gens de peu et de beaucoup.
Avec lui, tous ont eu droit à une existence entière, tous ont bénéficiè d'un regard bienveillant, tous ont goûté d'un supplément d'existence, tous ont bénéficié de soins attentifs et vigilants sans qu'ils fussent réduits à la cause momentanée de leur venue.
Il avait ce secret: " le goût des autres " mais ce goût s'enracinait dans sa mémoire de toutes les humanités, depuis Hippocrate, Avicenne et Maïmonide jusqu'à lui. 
J'ai dû le voir souvent ( et j'espère que ce bien durera longtemps encore ), car une maladie d'Addison repérée en mes vingt ans m'oblige à un traitement substitutif et un suivi médical régulier.
Ce médecin a reçu d'autres médecins qui furent ses Maîtres : professeurs éminents, chefs de clinique, chercheurs.
Mais où sont passés les rites de transmission ?
Qui nous fera croire aujourd'hui que le médecin s'occupe des âmes autant que des corps ?
Pendant ce temps un autre médecin plaide son innocence devant un tribunal : il avait seulement signé plus de soixante dix actes médicaux par jour et on osait les lui reprocher !


( merci de cliquer sur Pierre Van der Weyden pour jeter une oeil sur la présentation de ce blog )

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