GAGNER DE L'ARGENT, PAS SEULEMENT !

 David Lafrousse avait ruminé ces pensées depuis longtemps : pouvait-il se douter que l'Inspecteur avait tout fait pour s'ôter à jamais le risque de tomber dans la fosse aux lions? On ne devient pas inspecteur par hasard! Comme l'enfance malheureuse, le bonheur d'inspecter, ça ne tombe pas du ciel ! De même qu'on ne s'appelle pas Boris Jankelevitch par hasard non plus : un inspecteur d'origine russe, émigré ou plutôt fils d'émigrés russes ? Peut-être même en parenté avec le célèbre philosophe du même patronyme ? 
Jankélévitch avait obtenu ce poste par hasard : venu en France après la tragédie de Beslam - il avait été parmi les otages avec les mille trois cents élèves et professeurs, et avait survécu de façon quasi miraculeuse- ; profondément meurtri, il était arrivé en France où il avait de la famille. Finalement, il fut si bien accueilli dans ce pays qu'il obtint rapidement un titre de séjour, puis une équivalence de diplômes et enfin un poste de professeur à Saint Jean de Passy; très apprécié, polyglotte et surdiplômé , il avait acquis un doctorat, puis passé l'agrégation de Lettres où il fut reçu premier. L'agrégation en France, c'est comme la vodka en Russie: ça vous ouvre presque toutes les portes ! Son accent russe, sa culture et comme on dit en France, son entregent, avaient conquis la planète parisienne. En moins de trois ans, il fut nommé Inspecteur. Il aimait beaucoup ce travail qui lui permettait de découvrir la France en pratiquant un tourisme académique: quelle prodigieuse variété de fromages, de paysages et de mentalités ! Par ailleurs il adorait le contact direct, aimait les professeurs qu'il encourageait dans leur tâche, et réservait son temps libre à son loisir préféré: le piano. Depuis son expérience tristement célèbre, il sombrait parfois dans une sorte de mélancolie dépressive.