GAGNER DE L'ARGENT, PAS SEULEMENT !

 L'installation des passagers lui sembla interminable, il eut du mal à regagner son siège au deux tiers de ce boyau d'enfer, côté hublot, avec vue imprenable sur l'aile droite et ses deux réacteurs. Tout juste eut-il le temps de rêver à une échappatoire: pour descendre de l'avion, il eût abandonné sa fortune, il eût supplié le commandant de bord, il eût risqué le blâme et l'incompréhension du directeur du journal. Par bonheur,, la nécessité de ne pas gêner la difficile circulation des passagers - il se prit à rêver d'une première classe - et l'impossibilité de pleurer, crier au secours ou appeler maman le firent chuter au bon endroit. Soulagé de ne pas avoir été la cible de la colère des autres, le bagage à main provisoirement entre les jambes, il dut s'adapter à une situation nouvelle qui lui inspira une crainte d'une toute autre nature : la présence d'une femme à ses côtés. Apparemment plus âgée que lui, - il venait de fêter ses quarante cinq ans -, elle était d'une élégance, d'une distinction et d'une sérénité telle qu'il se sentait presque honteux d'avoir éprouvé ses dispositions gamines du petit qui prend l'avion pour la première fois sans ses parents et sans l'accompagnement d'une hôtesse. Il reprit subitement ses esprits et en quelques respirations, il se sentit à hauteur de toutes les situations, passées, présentes et futures, avec une propension immédiate à voler au secours de quiconque se trouverait dans le besoin, surtout s'il s'agissait d'une femme particulièrement méritante. L'avion n'avait pas encore décollé qu'il se voyait déjà arrivé à Rangoon, accueilli chaleureusement par son contact, et -qui sait - dans la plus élégante compagnie. 


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