GAGNER DE L'ARGENT, PAS SEULEMENT !

 Décidément, rien ne se passait comme il attendait: la veille déjà, la compagnie avait différé le vol pour une mince couche de neige et il s'était retrouvé au Bourget et non à Roissy comme prévu. En posant aujourd'hui le pied sur le pont du Boeing 747 de la THAÏ, il ne pouvait se douter que ce voyage tant espéré commencerait par une crise d'angoisse aussi vexante qu'imprévisible. Une fois le portique franchi, il fut pris de vertige en voyant le défilé interminable de plus de quatre cents passagers qui avaient eu la sotte idée de voyager ce jour-là, sur ce vol-là ! Comment pourrait-il cohabiter dans cet espace avec tous ces gens ? Si on a un peu de religion, on peut toujours se raccrocherà "l'amour du prochain", ça peut aider en certaines circonstances. Mais que faire lorsque que le prochain est là, à côté de soi, en plus en quatre cents exemplaires simultanément et qu'il n'existe aucun moyen égal de vous en débarrasser ? Jamais Aurélien Ayache n'aurait pensé être confronté à une telle situation ! Obligation absolue-et payante- de supporter odeurs, laideurs, visages, bras, jambes, lunettes, mandibules en action, bavardages en tous genres, parfums mêlés, et tout cela pour un minimum de douze heures, avec un espace de moins d'un tiers de mètre carré ! On pouvait toujours espérer une petite retraite dans le sommeil, mais cela, c'était du luxe pour les professionnels du sommeil en vol. On ne se rend assez compte-combien les corps pèsent LORSQU'ON NE LES IMAGINE PLUS, mais qu'ils sont là, juste devant soi, affalés, posés là à côté, de façon complètement négligée, comme des sacs de pommes de terre qui se prélassent, qui s'étalent, qui offrent au monde cette vue sans pudeur sur leurs difformes rondeurs avec un manque total de savoir-vivre. Voilà ce que précisèment à cet instant, notre passager, un journaliste de haut vol, ne supportait plus ! .../...  


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