Août 11
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CONVOCATION DES LIEUX
-XXXXII -
La fréquentation du monde doit produire autre chose en nous
que l'exercice d'une curiosité, l'instruction ou le seul plaisir à la diversité
des choses et des êtres.
Quoique ces trois choses soient nécessaires, elles éveillent à notre
présence au monde.
R.W. Emerson nous met en garde contre l'illusion du voyage: il ne produit
pas un être différent de ce que nous sommes, et nos valises, aussi loin
qu'elles nous portent, n'emportent avec elles que nous.
Ce qui motive notre voyage, ce ne sont point les paccotilles
de la sensation, du dépaysement et de la découverte, précieuses,
à un certain niveau, mais bien autre chose, que l'on pourrait ainsi nommer:
- la découverte des Lieux -.
Un lieu - peu importe son esthétique ou sa notoriété - se détache des circonstances
qui le font apparaître - car il est un dehors étranger
qui pointe en direction d'un dedans énigmatique avec un-je-ne-sais-quoi
de familier au coeur qui l'approche.
Cette rencontre sonne comme une déflagration silencieuse
ou une sommation : il faut entrer ou plus exactement, nous entrons
pour rejoindre celui qui nous attend en ce lieu
et qui n'est autre que " moi ".
Dans cet autre lieu, il y plus moi-même que moi;
c'est stupeur de se voir subitement engendré
par un événement qui n'est rien sauf
ce baptême instantané de tout l'être,
cette apparition
magique
qui prend à rebours
le sentiment de mon existence,
et me rend si indifférent
à celui que j'étais, en qui je me confondais,
en qui je croyais...
Si " je suis ", ce n'est peut-être que cela :
la mémoire de mes lieux perdus
puis apparaissants comme des pôles ardents
d'une existence errante... .
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