Version imprimable LA BRUME DE GUERRE

et ses imprévisibles avancées

 

Les oeuvres littéraires pas plus que leurs auteurs n'obéissent pas au temps de l'actualité,
leur cheminement obéit à des règles différentes et possèdent une sorte
de loi secrète. Nous parlons de Littérature, pas d'autre chose. C'est vrai
que ce domaine est largement dominé par la recherche du succès commercial,
mais des millions d'exemplaires vendus et des romans traduit en treize ou dix-huit
langues ne font pas un auteur, pas plus que dix mille poneys ne font un cheval.

Nous nous garderons bien de  citer des exemples bien qu'ils nous brûlent les lèvres,
mais il suiffit au lecteur de jeter un coup d'oeil sur la rentrée littéraire, la cohorte des prix,
les présomptions de génie qui saturent nos journeaux et parfois nos plateaux de télévision.

Ce temps est béni pour beaucoup d'écrivains ou de prétendants au titre : faute de talent,
ils peuvent au moins gagner de l'argent, et c'est très bien ainsi, car rien n'est plus beau que de gagner de l'argent
dans une société qui en toutes choses préfère ce qui stimule la concurrence et les ventes.
Les choses importantes n'intéressent plus personne et on aurait bien tort de s'en plaindre:
on ne va tout de même troquer les émissions de Michel Drucker et de Laurent Ruquier
contre les paroles incompréhensibles de Peter Sloderdijk, les imprécations d'Alain
Finkielkraut  ou les énigmes sans fin de Jean-Luc Nancy ou Jean-Luc Marion pour ne 
parler que des pires !

Mais la brume de guerre avance, inexorablement et elle gagne les livres et les romans,
elle qui se répandit d'abord- symboliquement ? - dans la région d'Ypres lors de la première 
attaque au gaz , le 22 avril 1915.

Les Poilus sont morts. Les commémorations survivent mal. La Grande Guerre survit mal
à la prodigieuse contre publicité de la Seconde guerre mondiale. Des millions de morts,
en voici, en voilà: les concours d'horreur se poursuivent sur d'autres terrains, en Irak, au
Pakistan, au Cambodge, en Afghanistan... On n'a guère le temps de compter les morts
dans un monde où chaque année, il y a plus de mille nouveaux millionnaires qui ouvrent 
un compte à Singapour pour qui la vie est plus belle et c'est tant mieux car rien n'est plus 
précieux que la belle vie, c'est écrit dans la Bible :

        "J'ai mis devant toi la vie et la mort:

                        " ET TU CHOISIRAS LA VIE "

Sauf que, insidieusement, la brume de guerre progresse : en quelques mois, ce sont pas 
moins de dix romans qui plongent dans l'obscur passé de la Grande Guerre :
Su sel sous les paupières de Thomas Day, ( prix de L'Imaginaire 2013), Au revoir là-haut de Pierre Lemaître,
Ceux de 14 de Maurice Genevoix, Les Somnambules de Christopher Clarck, Arden de Frédéric Verger,
( nous ne les citons pas tous ...) , qui font une suite à La chambre des officiers de Marc Dugain,
Les champs d'honneur de Jean Rouaud etc ...etc... 

Qui sait ?

C'est peut-être l'odeur du temps présent qui inspire aux romanciers d'aller chercher dans
la distanciation imposée par le temps un sorte de trou d'air ?






  NB: nous nous proposons de revenir sur ces publications très importantes, qui ne sont
pas tous des romans, et qui abordent le sujet de la Grande Guere de façon très diverse.
1914- 2014: cent ans de solitude ? 

NB : l'expression " brume de guerre " est empruntée au roman de science-fiction," Du sel sous les paupières ",
un livre bien étrange qui mêle histoire et mythologie, fantastique et réalisme, poésie et fiction du passé... 





 

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